Octobre 2019 / N°09
Dossier
Zéro artificialisation nette des sols

 

 

En France, l’artificialisation des sols continue d’augmenter (+5,9% en 2017)[1]. Chaque année, pas moins de 20.000 hectares d'espaces naturels disparaissent sous le béton et le bitume.

Si rien n'est fait, 288.000 hectares risquent d'être dénaturés d'ici 2030, soit un peu plus que la superficie du Luxembourg. Pour répondre à l’urgence de la situation, l’Etat français a adopté en juillet 2018 un Plan Biodiversité [2] qui fixe un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2030. Pour France Stratégie, cela nécessiterait de réduire de 70 % l’artificialisation brute et de « renaturer » tous les ans 5500 hectares de terres artificialisées. Une perspective qui suppose des mesures ambitieuses publiées à la fin de l’année 2019 dans une feuille de route gouvernementale. Pour y parvenir, un groupe de travail partenarial a été mis en place le 25 juillet 2019 par les Ministères de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la cohésion des territoires.  Cette réflexion s’appuiera sur trois rapports publiés par France Stratégie[3], le Comité de l’économie verte[4] et le CGEDD[5].

 

L'artificialisation des sols en France sur la période 2009-2017

Source : Observatoire national de l’artificialisation

 

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Artificialisation des sols : les premières pistes dévoilées

Le gouvernement français espère être fixée au printemps 2020 sur les moyens d'atteindre le « zéro artificialisation des sols », un objectif fixé par le Plan biodiversité et dont l'échéance reste à préciser. 3 rapports, publiés en juillet 2019, livrent les premières pistes.

 

Le rapport de France Stratégie

France stratégie estime qu’environ 20 000 hectares par an sont actuellement artificialisés en France. Son rapport identifie trois scénarios possibles d’évolution du phénomène soumis à différentes modalités d’action.

Dans le scénario attentiste, ce sont 288 000 hectares supplémentaires qui seront artificialisés d’ici 2030. Le deuxième scénario imagine le cas d’une forte densification : elle réduirait considérablement la consommation d’espaces naturels. Pour cela, il faudrait augmenter le taux de renouvellement urbain* et accroître la densité de l’habitat. Un troisième scénario imagine un cadre réglementaire plus contraignant et une augmentation des prix des terres pour lutter contre l’artificialisation.

Enfin, le rapport préconise des leviers d’action spécifiques :

- La régulation de deux paramètres : les différentiels de prix du foncier. La valeur de l’hectare agricole français demeure l’une des plus basses d’Europe de l’Ouest (6000 en France contre 10 000 et 20 000 en Italie et Angleterre). La sous-exploitation du bâti existant : 2,8 millions de logements vacants en France en 2015. En cause : vacance des locaux tertiaires et spéculation sur les bureaux, développement de résidences secondaires notamment en zone littorale.                                               

- La progression des connaissances des dynamiques d’artificialisation pour construire une politique publique accompagnée de droits et de devoirs. Les pistes sont d’enrichir les cadastres, de fournir des moyens aux acteurs du territoire pour mener des projets et aboutir à des solutions de lutte contre l’artificialisation.

-  La combinaison des logiques d’artificialisation à celle de renaturation par le biais du principe ERC : mise en place d’un marché de « droit à artificialiser » conditionné à une renaturation, financer la renaturation par une dimension « artificialisation » dans la taxe d’aménagement.

- L’amélioration des connaissances autour du potentiel et du coût de la renaturation.

- La densification forte de l’habitat à 0,4 (aujourd’hui ce taux oscille en France entre 0,08 et 0,17 pour le bâti existant) et l’augmentation du taux de renouvellement urbain à 0,6 pour réduire significativement la consommation d’ENAF**.

 

*Selon l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France, « le renouvellement urbain évoque l’évolution de la ville sur elle-même ». Cela se traduit par la rénovation ou reconstruction des bâtis (friches, revalorisation de quartiers, etc.) et vise plus largement à limiter l’étalement urbain, lutter contre les problèmes sociaux et économiques. Chaline parle « d’urbanisme de transformation » opposé à « l’urbanisme de création et d’extension périphérique ».

** Espaces Naturels Agricoles et Forestiers

 

Le Rapport du Comité de l’économie verte

Eléments de constat et recommandations :

- L’artificialisation est un phénomène multi-scalaire qui tend à augmenter en France. Parallèlement l’espace urbain est sous-utilisé (vacances de logements, sous exploitation des zones périphériques et des friches)

-  L’artificialisation engendre des coûts pour la société, aggravés par le changement climatique : on estime la valeur socio-économique d’un terrain à 1000 euros par hectare et par an.

- Les causes de l’artificialisation ne peuvent être prises isolément, elles résultent de décisions de nombreux acteurs : il est recommandé de coordonner les rôles. Sont désignés ici les communes ou intercommunalités à travers les documents de planification et d’aménagement, l’Etat à travers son contrôle de légalité et sa collaboration dans l’élaboration des documents d’urbanisme, les commissions d’urbanisme et d’aménagement du territoire par  leurs avis, les propriétaires de terrains agricoles par leurs choix de vente (ou non) pour utilisation non agricole, les aménageurs et promoteurs par leur décision sur la localisation et type de projet, les ménages par leur choix de localisation d’habitat, les investisseurs immobiliers dont l’orientation du budget va aux secteurs les plus rémunérateurs qui ne sont pas toujours les plus économes en utilisation des sols, et enfin les entreprises par leur choix de lieu d’installation et les dynamiques qu’elles engendrent. Tous ces acteurs auraient intérêt à travailler de concert, car tous s’entre-impactent : les entreprises sont soumises au marché foncier urbain et contraintes réglementaires qui peuvent jouer dans leur choix de localisation.

- Il existe encore aujourd’hui une persistance du clivage entre politiques de gestion des espaces urbains et des espaces naturels, une meilleure cohérence et articulation serait souhaitable : le CEV appelle à une approche politique globale intégrant espaces naturels, agricoles et forestiers, et développement urbain pour une meilleure effectivité des décisions. Par ailleurs, les espaces naturels sont définis comme des patrimoines à valoriser.

- Malgré leur grand nombre, les outils réglementaires et économiques sont encore souvent facultatifs, mal articulés entre eux et insuffisamment utilisés, ceci est révélateur de contradictions entre objectifs de protection du territoire et développement économique.

- Pour atteindre le ZAN, le CEV recommande une part importante d’outils incitatifs assortis d’instruments de mesure et un suivi de leurs effets.

- Enfin, le CEV recommande de garder une vision d’ensemble des initiatives menées dans la lutte contre l’artificialisation, coupler l’approche sectorielle à une approche de cohérence générale pour obtenir de meilleurs résultats : sont désignés ici les enjeux de biodiversité, l’alimentation, le climat, le logement et le développement économique des territoires.

 

L'artificialisation : constats et mesures clés 

 

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L’artificialisation des sols en Pays de la Loire

L’ouest de la France est très consommateur d’espaces naturels, agricoles et forestiers (NAF) En dix ans, 25 200 hectares ont été artificialisés en Pays de la Loire. La Loire-Atlantique et la Vendée sont les plus concernés. Ces départements consomment autant d’espaces NAF que les trois autres, alors même que ce sont déjà les départements les plus artificialisés de la région (respectivement 14,8 % et 11,9 %). Toutefois, en dépit de quelques hausses ponctuelles, un ralentissement de la consommation semble s’amorcer depuis 2012.

Selon un rapport publié en 2018 par la DREAL des Pays de la Loire 2018[6], la consommation de ces espaces naturels, agricoles et forestiers menace la capacité du territoire à subvenir localement à ses besoins alimentaires. Les ressources en eau sont également au cœur du sujet : l’imperméabilisation des sols empêche en effet l’infiltration des eaux et la recharge des réseaux souterrains. C’est aussi l’extension péri-urbaine que le rapport décrit : avec l’étalement urbain et le développement des zones d’activité en périphérie, les déplacements s’allongent toujours plus. 

Evolutions des espaces naturels, agricoles et forestiers en Pays de la Loire entre 2006 et 2016

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1]Créé en juillet 2019, l’Observatoire national de l’artificialisation des sols constate une nette augmentation de l’artificialisation des sols en 2017 (+5,9%) après 7 années de baisses consécutives.

 

Evolution des espaces naturels, agricoles et forestiers en Pays de la Loire entre 2006 et 2016

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